Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/304

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invisible qui le rattachait à l’aimée : un lien encore, le dernier !… Plus loin… Le lien s’allonge, s’atténue, plus encore… On dirait un imperceptible fil de soie, un cheveu, leur ombre, un rêve… Plus rien.

Mais il croyait entendre encore.

Plus rien !

La séparation est consommée.

Pour toujours.

— Jeanne ! cria-t-il.

Il se redressa pour courir après elle, et vint comme un fou jusqu’à la grille du parc.

La voiture était loin, là-haut, tache brune sur le grand ruban de la route.

Il s’affaissa sur la borne : son haleine râlait dans sa gorge ; les larmes tombaient sur ses genoux.

Desreynes aussi guettait. Il venait de s’élancer à la poursuite de son ami, et, le voyant là, sur ce coin de pierre, anéanti, il s’arrêta près du fossé.

Les champs se recueillaient dans le silence du soir.

Arsemar devina un homme, et regarda : il vit cette face vieillie, Georges !

D’un bond, il fut debout, et, désespérément, il se tourna encore du côté de la route. Elle était nue.

Seul au monde !

Il leva au ciel ses mains frémissantes : Georges se précipita pour le soutenir…

Alors Pierre, éclatant en sanglots, tomba dans les bras de son ami :

— Ah ! Pitié… Ne m’abandonne pas !