Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours, à celle qui, comme Lénore, s’appellerait « Jamais plus ».

Il s’abîma dans son regret, son vain désir, son amour veuf ; puis, remontant aux causes, il la contempla perverse et menteuse, et encore les revit tous deux.

Cette fois, il voulut quitter le lieu sinistre : qu’avait-il eu besoin de venir là ? Existait-il sur la terre un coin qu’il dût fuir davantage ? Cet antre de leur crime et de sa misère, l’y avait-on amené par pure sottise, ou pour le torturer ?

Il empoigna le flambeau et sortit.

Il traversa les corridors muets, et monta l’escalier d’un pas lent ; l’écho de sa marche emplissait la maison endormie ; son ombre, à côté de lui, glissait sur le mur ; la nuit avait ici la sonorité des ruines.

Devant la porte de « leur chambre », il s’arrêta, puis, il continua son chemin. Il arriva dans la bibliothèque, dont les hautes vitrines luisaient à la clarté de son bougeoir : seul, droit, dans la vaste salle aux angles obscurs, il sentit sur ses épaules le froid du silence ; il redescendit. Il vint dans le salon, dont la richesse et le luxe féminin l’offusquèrent ; dans la salle à manger, où le drame du matin ressuscita dans les demi-teintes brunes ; à l’office, où l’on avait ri ; dans la serre, où Jeanne allait si souvent lire et causer : partout le spectre ! L’homme était exilé chez lui.

Alors il se réfugia dans son cabinet de travail.