Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À quatre heures, la voiture est là, les colis sont bientôt chargés.

Pierre assistait à ces derniers apprêts avec une effrayante impassibilité ; il n’avait qu’une chose dans l’esprit : « Un quart d’heure, et je serai loin. » Il regardait leur maison à la dérobée, craignant d’être surpris dans un regret.

Chez le vulgaire, la douleur crie ; dans les âmes plus hautes, elle reste pudibonde, virginale, comme si l’indifférence des gens devait la profaner.

Il inspectait les choses avec avidité ; il aurait voulu franchir le seuil une fois encore, et traverser les chambres, seulement les traverser, une fois encore ; il n’osait pas, devant ce monde.

— Tout est fini.

Il l’avait éprouvée cette sensation qui nous penche sur le néant, lorsque Jeanne avait parlé ; il l’avait retrouvée quand Jeanne était partie ; il la subissait maintenant d’une façon aussi intense : à chaque coup, ne pensant pas que rien pût l’attendre au delà, se croyant mort, il avait dit : « Tout est fini. » Et tout recommençait toujours. L’hydre !

Soudain, il pénétra dans la maison, d’un pas tranquille, comme pour y chercher quelque objet oublié, Georges le poursuivit.

— Où cours-tu ? Ami, tu vas te faire de la peine. Il voulut le retenir, mais Pierre lui échappa dans