Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/324

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que faisait la lettre de Jeanne ; il la devina et la saisit. Elle fleurait un parfum d’iris : il allait la décacheter et se ravisa, afin de se conserver pour l’avenir une heure de chagrin qui rappellerait le bonheur.

Il descendit les marches et se jeta dans la voiture, étranglant à sa gorge les spasmes de sanglots qui lui secouaient la poitrine.

Les roues, en s’ébranlant, l’ébranlèrent tout entier. « Fini ! »

On s’arrêta à la grille du parc, que Desreynes ferma à triple tour ; la clef grinçait dans la serrure, avec un bruit de fer rouillé, bruit strident, aigu, cri de douleur : « Tout est fini. »

Les gens rangés attendaient le départ ; et, bien que leur bassesse l’eût plus d’une fois torturé, hier et la veille, Pierre les dévisageait, l’un après l’autre, curieusement, avec une sorte d’assertion, une faim de cœur, comme s’ils eussent fait partie d’elle pour l’avoir approchée et connue, et cherchait leurs yeux avec envie, car leurs yeux l’avaient vue, et c’étaient les derniers où il pourrait encore rencontrer le souvenir de son image !

On partit.

Un valet gouailleur siffla derrière eux le Carillon de Dunkerque.

Pierre ne quittait pas des regards le grand mur jauni de son parc, qui s’enfuyait à côté d’eux, le long de la route ; le mur dépassé, Pierre se rejeta dans son coin. Quand ils furent au sommet de la côte,