Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/337

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décidant plus à renaître, le lendemain, ils se retrouvèrent plus séparés que la veille.

Puis, les tristesses s’attirent aussi bien que les maux physiques ; l’âme éplorée est réceptive à tous les chagrins qui peuvent l’éprouver davantage, comme le corps malade l’est aux germes des contagions qui passent.

Ils s’efforcèrent de ramener l’expansion de cette douce nuitée ; mais à mesure qu’ils y tâchaient, la naïve sincérité des abandons leur devenait plus impossible ; ils restaient gênés l’un près de l’autre parce qu’ils cherchaient à ne pas l’être. Georges, dès lors, accepta plus volontiers les promenades en mer auxquelles l’invitaient les pêcheurs ; s’il hésitait parfois, Pierre l’engageait à les suivre, et se sentait débarrassé de ses contraintes, dès que la barque avait doublé le cap, sous les rochers du phare.

Car il pouvait alors redescendre dans son monotone désespoir, tout seul, sans la surveillance de l’amitié, sans la crainte du mot échappé qui trahirait sa douleur muette et grandirait celle d’un autre.

Dans les premiers temps, il avait aimé la solitude, pour elle ; maintenant, il fuyait Georges, pour lui.

La mer, en vain, essayait de le guérir encore : toute l’œuvre était à refaire.

Un remords s’était même ajouté aux chagrins : il se découvrait, à son tour, coupable envers l’ami dont les soins assidus n’aboutissaient qu’à l’écarter de lui ; il résolut d’être plus accueillant et de le fréquenter