Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/355

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amour exclusif qui l’envahissait hier, brusquement, d’un coup de poignard, la vérité l’assassinait.

Un amant ! La trahison volontaire, préméditée, les mensonges et les curiosités perverses, et ces baisers ! Il les voyait, comme dans la veillée où la chambre de Georges les lui montra ensemble.

— C’est peut-être à lui qu’elle pense !…

Il s’empoisonnait à plaisir de toutes les imaginations si soigneusement bannies de ses heures amoureuses ; il appelait tout ce qu’il avait fui ; il affirmait tout ce qu’il avait nié.

— Elle pense à lui ! Et moi, stupide, je combinais qu’elle rêve à moi ! Son amant ! Quand on s’offre un amant, ce n’est pas pour aimer un mari. Si elle désire quelque chose ou quelqu’un, c’est celui-là… Euh !

Il mordait ses poings.

— Et lui, qui s’en cache, il la désire aussi. Qu’ils se rejoignent donc, ils sont faits l’un pour l’autre ! Je ne veux pas !… Misère !

L’horrible ville qui le narguait !

— Dire qu’il faudra tantôt le revoir encore son amant, m’asseoir en face de lui, être gracieux, lui répondre… Pourquoi l’ai-je amené, aussi ? C’était littéralement fou… Mais qu’est-ce que j’aime donc, maintenant ?

Néant.

Ah ! Si la solitude est bonne aux forts, quand ils la cherchent, elle est dure et mauvaise à tous, quand elle s’impose.