Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/361

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tentative ; mais, cette fois, il usa d’une discrétion qu’il jugeait plus habile, et qui ne serait pas incompatible avec la fermeté : il entreprit d’obtenir par détours ce qu’on refusait à la franchise : il ferait le siège de cette ténacité, comme celui d’une coquette : attitude moins digne de la tâche, sans doute, mais plus conforme à son tempérament ; d’ailleurs, pensait-il, tous les procédés sont bons quand le but est louable. L’ancien Desreynes revint en lui et fut certes accueilli avec joie ; durant la matinée qu’il occupa à combiner ses plans, il oublia de plaindre leur misère : le sceptique analysait un homme, pour appliquer la guérison, ainsi que le médecin tâte un malade, et la science primait les compassions.

— Ami, dit-il, ne te fâche pas, ne proteste pas, je ne me blesse de rien ; je ne suis que désolé, mais je mérite tout. Voici : ma présence te harasse. Tu me le fais trop comprendre chaque jour… Puisque tu ne m’aimes plus, peut-être souffriras-tu moins quand je m’éloignerai…

Il surveillait avec anxiété l’impression de ses paroles et redoutait que son offre fût acceptée. Il poursuivit :

— Nous nous sommes trompés en espérant que mon affection et mes soins pourraient quelque chose contre ta peine. Je l’irrite en m’efforçant de la calmer. Tu m’évites, tu m’injuries ; oh, je ne réclame rien de plus, pour moi ; mais, Pierre, tu te fais plus de mal que tu ne m’en crois faire. Et c’est sans remède…