Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/364

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Desreynes, grâce surtout à la sérénité relative que venait de lui procurer leur dernier rapprochement. Puis, la santé morale de cette grande Florence le gagnait insensiblement.

Peut-être n’existe-t-il aucune ville au monde qui rende comme celle-là l’orgueil d’être homme ou la volonté de le devenir ; elle sangle l’âme, elle la relève, elle crie le courage et la promesse. Tant d’œuvres sont nées là pour l’immortalité, que le passant, parmi les demi-dieux créateurs de dieux, médite sur la gloire d’être un enfant de cette race où les géants remuaient la terre et le ciel.

— C’étaient des hommes ! s’écriait Arsemar. N’ont-ils pas connu, eux aussi, la douleur, la honte, la solitude, l’exil ? N’ont-ils pas connu la trahison ? Mais ils se redressaient, et, mettant le pied sur les platitudes de la vie, ils se jetaient dans l’immensité de leur rêve, et le culte cachait les misères ! Que suis-je auprès de ceux-là, ou de ce qu’ils ont souffert, pour avoir le droit de me plaindre chez eux ?

La consolation trouvée à Florence était presque analogue à celle qu’avait donnée la mer ; mais si sa grandeur était moins intime, elle était plus vivante et demandait plus impérativement l’oubli. À chaque pas, des pensées graves sollicitaient le triste voyageur et l’entraînaient hors de sa peine ; il retrouvait plus rarement Merizette et se retrouvait plus souvent ; il vivait davantage, requérait sa raison, tout cela un peu aux dépens de son malheur.