Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Cela ne va donc pas, mon pauvre Georges ?

Il venait devant le lit, et le bordait, rangeait les couvertures ou les oreillers, et sans bruit retournait s’asseoir.

À son tour, il se jugea coupable, et cette maladie, il la considéra comme son œuvre : depuis leur départ, n’avait-il pas fait vivre, dans les transes et les tribulations, celui qui s’était voué à le guérir et à l’aimer ; n’avait-il pas refusé de quitter cette ville ou l’autre se sentait languir ; n’avait-il pas, hier encore, insisté pour qu’on demeurât plus longtemps sur cette voie Appienne où la fièvre s’était déclarée ? Son imperturbable égoïsme avait appelé ce mal nouveau, comme s’ils n’en avaient pas assez déjà, en vérité ! Et Georges s’était soumis à tout, cédant et supportant, sans vouloir se plaindre, sans oser prier. Treize semaines de tortures ! Et voilà le résultat, bourreau !

La crise dura quelques jours ; dans son délire, le patient implorait des pardons et chassait des fantômes de femme. Il criait : « Les meules ! Enlevez ce foin ! Il me brûle ! » Il soupirait : « Je ne veux pas… » Puis : « Elle dit : De nos vertus… Poussière… » Ou bien : « C’est mon amant ! » Il éclatait de rire, et voulait la tuer…

Pierre en entendit trop.

Il se vit détaché d’elle moins qu’il n’avait pensé, et souffrit plus qu’il n’aurait cru ; mais il violenta ses tourments d’amour, et s’ordonna de les accepter comme un châtiment de ses égoïsmes.