Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/415

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la nacelle d’un aérostat immobile, plus haut que les vents ; il était un pendule conscient qui voit s’alanguir et diminuer une à une les oscillations de son monotone balancement.

Ne plus souffrir, ne plus pouvoir, ne plus savoir souffrir : degré suprême des douleurs !

Le surlendemain fut pareil.

Desreynes, dans la désolation de son impuissance, contemplait ce jeu de la mort.

Il chassait vainement un soupçon terrible.

Quand vint le soir du troisième jour, après le dîner muet, Pierre, sombre, se promena longtemps à travers la chambre de Georges.

Il serra la main de son ami, et se retira.

L’un ne put dormir, ni l’autre.

Un peu de vie était revenu en Pierre : assez pour que ce fût trop.

Il luttait.

Il murmurait : « Je ne peux plus. »

Ou bien : « Pauvre cher ami. »

Il se levait, faisait le tour des sièges, regardait les meubles, et se recouchait.

Puis, une heure encore… À l’appel de la mort, l’âme, s’affranchissant des intérêts humains, jugeait avec une sagesse divine. Tout et à tous, il pardonnait, du fond de son cœur éclairé. À lui seul, il reprochait la faute encore inaccomplie, et rêvait d’y soustraire sa faiblesse.