Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/50

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que la croupe du cheval luisait d’un riche éclat mordoré, admira d’un coup d’œil la silhouette d’un saule qui se penchait sur un talus, effaça une rancune dont le souvenir lui montait, puis, levant la tête, il respira à pleine gorge, et sa santé éclata dans un cri :

— Oh ! Que c’est bon !

Pierre était heureux.

— Tu vas nous rester longtemps, au moins ?

— Je ne pars plus !

— Si tu savais quelle chère existence nous avons ! Ah ! il viendra bien un matin où tu te réveilleras lassé de toutes tes courses de hasard et de tes amours de rencontre ; ça n’a qu’un temps, tout ça…

— Le temps est fait !

— Tant mieux ! Tu seras comme nous… Au fond vois-tu, tes joies, je n’en donnerais pas un roi de cailles ! La paix dans la foi, il n’y a que cela au monde. Une bonne femme dont on est sûr, qu’on aime : et l’on supprime le reste ! Tu te marieras, je parierais.

— N’allez pas trop m’en donner l’envie !

Desreynes avait déjà oublié l’antipathie qu’il venait d’éprouver contre la femme de Pierre ; pour un instant du moins, et sous ce vent de nature, il avait perdu tout son dédain des femmes, toute sa science des perversités citadines ; il rêvait d’amantes idéales, anges d’un paradis semblable à cette plaine, Laure et Béatrice, poésie et bonté. Il était impatient de se régénérer en cet Éden ; et son enthousiasme de vertu