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frères, des pères, et pas un ne songea à me demander si j’avais faim ! J’appris plus tard qu’avec de l’argent (qu’on devait en entrant déposer entre les mains du commissaire), on pouvait se faire apporter du dehors ce dont on avait besoin.

Aux premiers rayons du soleil, la porte de ma cellule s’ouvrit ; on me dit de prendre mes affaires parce que je ne reviendrais plus. J’entends faire l’appel des prisonniers. On pleure, on gémit, mais on se parle, car chacun, excepté moi, a des parents et des amis qui s’inquiètent du départ. Assurément mon mari et mon fils étaient à ma recherche. Appelée la dernière, j’en profite pour prier la femme d’un prisonnier de vouloir bien aller rue des Moulins, ajoutant qu’à l’école elle trouverait toujours quelqu’un… Elle non plus n’en fit rien… On oublie vite le malheur des autres quand il faut songer au sien propre.

Mes ennemis anonymes, moins anonymes sans doute pour M. le commissaire que pour moi, devaient être de puissantes gens pour qu’on pût agir ainsi à mon égard. Quoi qu’il en fût, seule de mon sexe, je marchai derrière les prisonniers, à pied, entre deux rangs de soldats et de sergents de ville.