Page:Hardouin - La Detenue de Versailles en 1871.pdf/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son costume on jugeait être riche, riait si fort, nous allons le dire.

Parmi les prisonnières se trouvaient plusieurs femmes de qui la mise attestait un profond dénûment.

Une d’entre elles, dans un état de grossesse avancé, n’avait mangé qu’un morceau de pain bis, depuis deux jours. Hâve, les yeux cernés, souffrant à faire peine, elle se traînait à demi soutenue au bras de sa compagne d’aspect presque aussi navrant… Mais cette misère dans la douleur restait sans plainte, elle ne pleurait même plus, tant elle avait déjà pleuré… C’est tout cela qui fit rire la femme du monde.

Oh ! pensai-je, c’est donc possible qu’une mère puisse s’égayer des tortures qu’on fait subir à d’autres mères. Une femme, riche, jeune et heureuse qui n’a pas honte d’insulter au malheur de son sexe. La maternité, pourrait donc être un vain mot.

Mère, il me semblait que ce mot voulait dire commisération. L’enfant n’est-il pas le lien des âmes, l’anneau vivant qui fait toutes les femmes unies au moins par la souffrance ? l’amour enfin qui n’a pas d’ennemis et ne distingue point les êtres couverts de bure des êtres vêtus de soie ?