Page:Hardy - Jude l’Obscur.djvu/15

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— Quoi ?

— M. Troutham m’a renvoyé parce que j’ai laissé les corneilles manger un peu de maïs. Et voilà mes gages, les derniers.

Tragiquement, il jeta les six pence sur la table.

— Ah ! dit la tante qui suspendit sa respiration. Elle commença un sermon pour prouver qu’elle allait avoir Jude sur les bras, tout le printemps, sans qu’il pût rien faire.

— Si vous ne pouvez écarter les oiseaux, à quoi êtes-vous bon ?… Là, vous ne semblez pas capable de grand’chose. Je suis meilleure que le fermier Troutham. Mais, comme a dit Job : « Maintenant, les jeunes me tournent en dérision, ceux dont j’aurais dédaigné les pères, comme gardiens de mes troupeaux. » Son père était ouvrier chez mon propre père ; n’importe, j’ai été bien folle de vous laisser travailler pour lui… Jude, Jude, pourquoi n’avez-vous pas suivi le maître d’école à Christminster ou ailleurs ?

— Où est cette belle cité, tante, cette ville où est allé M. Phillotson ? demanda l’enfant après une méditation silencieuse.

— Seigneur ! vous devriez savoir où est Christminster. À une vingtaine de milles environ. C’est un endroit beaucoup trop beau pour vous, mon pauvre garçon, j’en ai bien peur.

— Et M. Phillotson y restera toujours ?

— Est-ce que je sais ?

— Ne pourrais-je aller le voir ?

— Dieu non. On voit bien que vous n’êtes pas d’ici ; ou vous ne demanderiez pas une chose pareille. Nous n’avons jamais eu aucun rapport avec les gens de Christminster ni eux avec nous.