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introduction

d’ailleurs ne se rapporteraient à rien de la phrase ; ce qui précède n’est que le récit des victoires passées. Mâ tarçam est une forme prohibitive, commune à toutes les langues aryaques, et qui ne peut exprimer un simple futur. Akhsatâ ne peut être un nom d’agent signifiant « qui a détruit, » c’est, au contraire, un participe passé passif, le nom d’agent serait khsanta (Comp. janta hanta).
La siyâtis n'est nullement le bon principe. Les inscriptions portent en plusieurs endroits qu’elle a été créée par Auramazdâ (siyâtim adâ martiyâha, il a créé la siyâtis de l’homme ou pour l’homme. Voy. Inscr, N. R. a. 4 ; N. R. b. 2, etc.)
Or, le bon principe n’est point, dans le système dualistique de l’Avesta, une création d'Ahuramazdâ ; c'est son esprit propre, et il n’est point produit pour l'homme directement. Il est vrai que la version médique transcrit simplement ce mot, ce qui semblerait indiquer une sorte de nom propre, mais la version assyrienne prouve le contraire, car elle rend siyâtis par le nom commun dumuq « joie, satisfaction ». Encore n’emploie-t-elle pas toujours le même mot ; dans l'inscription du mont Alvend, on trouve muhsu « abondance », correspondant à siyâtis. L’Inscription assyrienne H dit qu’Ahura a créé le dumuq pour tous les animaux ou sur tous les animaux. Au second cas, siyâtis serait évidemment la domination ; mais, pas même au premier, ce ne pourrait être le bon principe ; car, selon l’Avesta, une partie des animaux proviennent du mauvais esprit. D'ailleurs si aurâ se rapporte au siyâtis celle-ci est donc un génie femelle. Or, le bon principe ne l'est point, à coup sûr. Donc le syâtis n’a rien de commun avec le bon principe. Si c'est un génie, ce ne peut être que celui de la prospérité, de la félicité.
Avec l'opposition de siyâtis à aniya tombe le sens attribué à ce dernier et les conclusions qu’on en tire. Les textes sont d’ailleurs des plus explicites à ce sujet. En plusieurs endroits, Darius proclame avec insistance que c'est à l’armée persane seule qu'il doit toutes ses victoires et ses conquêtes, que la Perse seule a subjugué tant de nations (Voy. Suez B. 3, lignes 8, 9, etc.). Dans l’inscription H, de Persepolis, le monarque persan dit : « Grâces à Auramazdâ et à moi, Darius, la Perse n’a rien à craindre d’un ennemi quelconque » — « Vasnâ Auramazdâha manaca D. haca aniyanâ naiy tarçatiy (H. 9-12). » Sur le même mur (lig. 7-9), il écrit encore : « Voici ces nations que je maintiens sous ma domination, au moyen de l'armée persane (ou du peuple persan), qui ont tremblé devant moi » — « Imâ dahyâva tyâ adam âdarsaiy hadâ and pârçâ kârd tyâ hacâ ma atarça... » Suivent les noms de tous les pays soumis au fils d’Hystaspe, puis, celui-ci termine par les paroles citées plus haut : « Si tu veux ne trembler devant aucun ennemi, protège le peuple perse, maintiens-le puissant, etc. » Est-il besoin de dire ici ce que le contexte exige et de prouver qu'il ne peut être question dans ce passage que des adversaires humains, des peuples qui pouvaient attaquer et envahir l'empire de Darius   ? La simple lecture du texte complet suffit pour convaincre. Ce n’est point Ici, du reste, le premier effort fait pour tirer des cunéiformes un argument favorable à la thèse affirmative. Windischmann avait déjà cru y découvrir des citations expresses de l’Avesta ; dans une de ses savantes études[1], il énumère ces prétendus emprunts. Réunis et groupés, ces termes épars sont, il est vrai, de quelque effet ; mais quand on les examine de
  1. Zoroastrische Studien, p. 121-127.