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nora l’énigmatique

avait pas de rapport avec ce que je faisais à Montréal. Et puis, je changeais d’emploi très fréquemment. Dès qu’une entreprise avait perdu son cachet de nouveauté, j’allais vers une autre. Je gagnais de l’argent ; j’ai commencé à vous en envoyer.

La passion du voyage s’était emparée de moi. Le déplacement continuel, le dépaysement ininterrompu, voilà ce qui enlevait, à mon cuisant regret de vivre loin de vous deux, ce qu’il aurait eu d’intolérable.

Je ne voulais pas rentrer, honteux d’abord de la faiblesse qui m’avait fait partir, craignant aussi d’être repris de ma phobie. Je n’écrivais pas, je ne donnais pas de mes nouvelles, entêté encore à ne pas reprendre mon ancien moi et désireux de ne pas raviver par intermittence, chez vous, un souvenir amer…

J’ai été chercheur d’or. J’ai été soldat de fortune, au service des révolutionnaires sud-américains (il y en a toujours, ici ou là !), ou bien en Chine ou en Espagne. Mon expérience de 1914-1918 me valait des grades mirobolants, dans ces armées composées de novices. J’ai vécu en Europe, dont j’ai exploré des coins obscurs…

La guerre est venue. Tout de suite, j’ai senti la nécessité de m’engager. C’était comme une grande lueur qui se montrait à mes yeux éblouis. Alors en France, je passai en Angleterre afin d’y entrer dans l’armée impériale. Je fis état de mes services, mais j’insistais pour qu’on m’acceptât sous mon nom d’emprunt. On invoqua le règlement et je ne sais quoi. Cependant, ma connaissance des langues que j’avais dû pratiquer au cours de mes pérégrinations, non moins que d’un grand nombre de pays, me rendait précieux du point de vue de l’Intelligence. Et l’on me trouvait trop vieux pour les