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chapitre iii

« M. 25 »

I

Le lendemain, la nuit ayant passé sur cette conversation, Édouard ne savait que penser.

Son régiment restait cantonné dans Morona, car les opérations ne se poursuivraient qu’au ralenti. On savait que les Allemands avaient retraité de plusieurs milles, mais que, ayant reçu de puissants renforts, ils s’étaient consolidés dans de fortes positions. Notre aviation et nos formations avancées de blindés, ainsi que notre artillerie, maintenaient le contact. Le gros de l’infanterie restait à l’arrière.

Dans cette oisiveté, le sergent avait le temps de méditer.

Ce qui surnageait surtout de l’entretien, c’était l’évocation de son père, qui l’avait bouleversé beaucoup plus qu’il n’avait voulu le laisser paraître. Jamais, depuis sa petite enfance, le souvenir du disparu ne s’était imposé avec tant de force à son esprit. Dans sa famille, l’existence lointaine du chef ne constituait plus qu’une sorte d’arrière-plan nuageux de l’existence. On le savait quelque part ; on s’était habitué, afin de combattre le désespoir initial, à en parler le moins possible. Le tran-tran de la vie avait recouvert de sa médiocrité l’acuité de la blessure morale.

De se trouver tout à coup devant un être qui avait fait partie de l’existence fabuleuse de l’homme cher et