Page:Harvey - Les armes du mensonge, 1947.djvu/18

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tribune où les revendications nationales l’emportent sur les intérêts universels.

Pour le moment, il faut aller au plus pressé : réaliser l’union de toutes les démocraties autour du puissant colosse nord-américain. Après avoir démasqué les intentions secrètes d’une haineuse propagande uniquement destinée à diviser les nations faites pour s’entendre et à favoriser une clique d’impérialistes moscoutaires, nous devons oublier certaines différences secondaires, pardonner certaines erreurs, dominer notre sentiment nationaliste, régionaliste ou chauvin, pour collaborer entièrement avec nos voisins du sud.

Au Français habitué de recevoir partout l’hommage à la supériorité de sa culture et à sa réputation méritée de grand civilisé, il peut paraître dur de rechercher le salut auprès de peuples tout jeunes, qu’hier encore il considérait comme des adolescents souffrant d’un excès de croissance. Pour la même raison, l’Anglais qui, sur toutes les terres et toutes les mers du globe, commandait le respect par sa qualité de « british citizen », sera blessé dans son amour-propre. Nombre de Canadiens seront aussi alarmés, dans leur loyauté pour la Couronne et leur culte de la grandeur canadienne, de vivre à l’ombre d’une puissance devenue, par la force des circonstances, responsable de la vie démocratique, devant l’univers et devant l’histoire. Il n’y a là rien que de très naturel ; mais les susceptibilités particulières ne comptent pas devant la nécessité première de vivre et d’être libre.

Au reste, ce n’est pas au Canada qu’il appartiendrait de se plaindre du voisinage d’une grande république avec laquelle il jouit d’une paix séculaire et contre laquelle il n’a jamais songé à établir le moindre système de défense sur une frontière commune de plus de trois mille milles. Ce seul fait dispose, je crois, de l’accusation d’impérialisme que portent les factions de gauche contre cette république.

L’union étroite de toutes les démocraties, évidemment nécessaire au maintien de notre civilisation, trouve malheureusement des ennemis non seulement chez les communistes, mais chez une foule de naïfs qui se disent libéraux.

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