Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/108

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que cet homme ait un attrait sexuel pour cette femme.

Par les baies entr’ouvertes, le couchant mauve entrait avec des bouffées de parfums. Toutes les fleurs du jardin étalaient sous les yeux des convives, des gammes de couleurs douces, et ils recevaient sur leurs paupières, mêlés à des reflets lourds de rêves délicieusement mélancoliques, les frôlements très purs des nuances florales. Rayons rouges, bleus, blancs, violets et dorés se fondaient en harmonie, musique faite pour les yeux, demi-tons subtils que le regard perçoit et que l’ouïe ne saurait saisir. Les couleurs chantent. On dit d’un ton qu’il est criard ; il est parfois une mélodie. Devant un coucher de soleil qui tombe sur des fleurs, l’être entier est rempli de murmures inédits.

La causerie, d’abord coupée de longs silences, prenait maintenant la tournure d’une confidence. « Ce soir, disait Félix, en humant l’arôme du jardin et en nous imprégnant de notre bonheur, ne vous semble-t-il pas que la vie vaut la peine d’être vécue ? Mais vivre, c’est aimer, partager avec deux yeux les visions qui émeuvent, avec deux chairs et deux cœurs les frémissements des êtres et des choses qui nous entourent et dont l’existence seule est