Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de clémence et de rigueur, de la part du conquérant, l’organisation d’une constitution nouvelle, la rapide formation d’une nation embryonnaire, les premières luttes parlementaires, tout cela, toute cette atmosphère, chargée de grandes passions, de haines, de craintes, d’espoirs, d’illusions, de luttes, de victoires et de défaites, était le bouillon de culture de nos insatiables curiosités de Latins. Nous n’étions presque plus des civilisés, c’est vrai, mais nos poitrines étaient très larges, nos cœurs très généreux, nos reins très forts. Notre sang avait le goût âcre des audaces mornes, et notre visage reflétait la crânerie des mousquetaires.

« Un jour vint où notre jeune coursier s’arrêta dans son galop furibond. Les flancs fumeux des dernières courses, il regarda autour de lui : il ne vit que des paysages rassurants, et il crut que sa carrière d’aventures devait faire place au repos, aux longues respirations de la vie tranquille, aux bains de soleil. Il était descendu au fond des précipices, où, dans l’éternelle humidité des rochers pensifs, il avait bu l’eau des gaves purs et froids ; il avait gravi les sommets tout blancs, où de longs frémissements d’orgueil l’avaient secoué, parce qu’il était le plus élevé des êtres, unique au monde, et qu’il recevait les feux de l’aurore dans sa