Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/35

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il y a du vrai dans ce que tu dis ; mais ce qui m’alarme, chez toi, c’est ta jeunesse. Tu juges déjà nos institutions les plus respectables. Que sera-ce, plus tard ? Prends garde ! Si tu allais travailler à démolir ce que tes pères ont édifié avec tant de peine et ce qu’ils ont entouré de tant de vénération ! »

« Je protestai de mon admiration pour les chefs de notre jeunesse. À vingt ans on n’a pas la passion de détruire : l’amour de la vie nous tient loin des ruines ; nous voulons l’action, la fécondité, le mieux-être ; plus que nos devanciers, nous saisissons la signification des mouvements nouveaux et des idées nouvelles ; la tradition n’est pas, pour nous, l’arrêt d’un peuple dans le passé : c’est la continuation, non la répétition, de l’œuvre ancienne. L’ouvrier qui voudrait bâtir indéfiniment le même édifice ne vivrait pas. Je fis comprendre au prêtre qui m’écoutait que nos institutions, tout en se faisant adaptables, pouvaient demeurer. »

« Notre conversation n’alla pas plus loin ; mais, depuis ce jour, j’eus des grossesses de pensées qui voulaient venir au monde. C’est pourquoi je n’ai pu m’empêcher de vous les confier. »

« Vous avez remarqué que nos dirigeants,