Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/39

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L’année même où Marcel Faure sortait du collège classique pour entrer à l’École des Hautes Études Commerciales, son père mourut subitement. C’était le deuxième deuil qui le frappait depuis la mort de sa mère, survenue quelques mois auparavant. L’épreuve était rude : il était le seul survivant de cette famille décimée. Devenu l’unique propriétaire du grand magasin Fabien Faure, situé au centre de la Basse-Ville et employant plus de cinquante commis et chefs de rayons, il lui fallut abandonner ses études pour continuer l’œuvre paternelle. Il avait fort à besogner : surveiller les hausses et les baisses du marché, présider aux inventaires, suppléer aux faiblesses du personnel, trouver les compétences, se tenir en contact continuel avec les subalternes, aiguillonner ou refréner au besoin, ménager des susceptibilités, donner du jeu aux initiatives personnelles, se multiplier, être tout à la fois, tels sont les tracas de cette vie haletante, dont la durée quotidienne est de douze, quinze, parfois seize heures. Ces occupations mercantiles n’abolirent pas, chez Marcel, le culte de l’idéalité et de la sentimentalité. Sa nature bien équilibrée restait pénétrée de ce qu’il y a de beau et de bon dans la vie : l’amitié, le plaisir modéré, l’indispensable illusion, un peu de bongar-