Page:Hasek-Le brave soldat chveik,1948.djvu/9

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à ce point-là, répondit Palivec. Trop chercher nuit.

L’agent garda définitivement le silence. Son regard s’assombrit et ne s’illumina qu’à l’arrivée de M. Chvéïk qui en ouvrant la porte commanda tout de suite « une noire ».

— À Vienne aussi, on est au noir aujourd’hui, ajouta-t-il.

Les yeux de Bretschneider s’allumèrent d’espoir.

— À Konopiste, il y a une dizaine de drapeaux noirs, fit-il sèchement.

— Il devrait y en avoir douze, dit Chvéïk après avoir bu de sa bière.

— Pourquoi justement douze ? interrogea Bretschneider.

— Pour que ça fasse un chiffre rond : une douzaine, ça se compte mieux comme ça. Et puis, c’est toujours à meilleur marché quand on achète par douzaine, répliqua Chvéïk.

Il se fit un long silence que Chvéïk interrompit en soupirant :

— Le voilà devant la justice de Dieu : que Dieu l’accueille dans sa gloire. Il n’aura pas vécu assez pour être empereur. Quand j’étais au régiment, un général aussi est tombé de son cheval et s’est tué tout doucement. On voulait le pousser pour l’aider à remonter à cheval, et on a vu qu’il était déjà tout ce qu’il y a de plus mort. Lui aussi aurait été bientôt feld-maréchal. Cela s’est passé à une revue. Ces revues militaires ne produisent jamais rien de bon, y a pas d’erreur. Je vous le dis, moi, à Saraïévo, c’est encore une revue qui a été la cause de tout. Je me rappelle qu’à une revue comme ça il me manquait, par hasard, à peu près une vingtaine de sales boutons à mon uniforme.