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Gerbier, déjà célèbre dans toute la France par ses succès au barreau de Paris. « Jamais, dit un biographe, les ressemblances et les différences ne furent mieux assorties pour servir à l’agrément et au profit des trois existences dont l’amitié n’en devait faire qu’une. » Suard a consacré à ce commerce vraiment antique, en tête de ses Mélanges de littérature, une page qui nous a séduit par sa charmante simplicité :

J’ai eu le bonheur d’avoir pour ami un des hommes les plus aimables de mon temps, qui joignait à une érudition choisie un goût exquis, et à une étude réfléchie de tous les arts cette chaleur d’enthousiasme qui fait passer dans l’âme des autres le sentiment qu’on exprime. Il plaisait dans le monde par les agréments de son esprit, par une élocution élégante et animée, et par les éclairs d’une imagination brillante qui répandait à la fois le charme et la lumière ; il s’y faisait aimer par la douceur de son caractère, par une bienveillance générale et naturelle, par l’aménité et la politesse de ses manières. Il a obtenu de la célébrité comme homme de lettres, et il la devait moins à ce qu’il a produit qu’à l’opinion qu’il donna de ce qu’il pouvait produire ; et en effet il est aisé de juger par les écrits qui sont sortis de sa plume qu’il aurait été un des écrivains les plus distingués de son siècle, s’il n’avait préféré à la gloire de vivre avec estime dans la postérité le bonheur séduisant de plaire tous les jours à un monde choisi. Cet ami, c’est l’abbé Arnaud…

J’avais vécu pendant près de vingt-cinq ans avec l’abbé Arnaud, sans que rien eût altéré un seul moment notre union. Pendant cet intervalle de temps nous avions habité constamment sous le même toit ; nos travaux avaient toujours été communs ; notre petite fortune l’avait été longtemps : la mort me l’enleva en 1784. Son amitié avait embelli la plus belle partie de