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fournir un nouvel aliment aux passions, que rien ne pouvait refréner. Mais on sait que Mazarin, pour sa part, finit par en prendre philosophiquement son parti, regardant avec la plus profonde indifférence ce furieux débordement d’injures. Et quand on pense qu’on se barricadait, au dire de Tallemant, pour lire la Miliade, pamphlet contre Richelieu, publié à Anvers, on ne peut s’empêcher d’admirer la patience débonnaire de son successeur.

Cependant le Parlement, voyant que certains libellistes ne respectaient ni le ciel, ni la terre, ni même l’autorité de la Compagnie, fit, à diverses reprises, des efforts pour réprimer cette licence effrénée ; mais tous ces efforts ne pouvaient avoir grand résultat dans une pareille crise ; les pamphlets semblaient, au contraire, se multiplier sous les sévérités de la justice. En vain


Par arrêt il fut défendu
Qu’on n’imprimât plus aucun livre

    porteur de Mazarinades, Mascurat et Saint-Ange, qui, attablés dans un cabaret, passent en revue les principaux pamphlets parus alors, et que Naudé appelle de gros escadrons de médisances. Sous ce couvert, il défend chaudement et finement le cardinal son maître, et montre la sottise de tant de propos populaires qui se débitaient à son sujet ; puis, chemin faisant, il y parle de tout ; dans son style, resté franc gaulois et gorgé de latin, il trouve moyen de tout fourrer, de tout dire ; je ne sais vraiment ce qu’on n’y trouverait pas : il y a des tirades et enfilades de curiosités et de documents à tout propos, des kyrielles à la Rabelais, où le bibliographe se joue et met les séries de son catalogue en branle, ici sur les novateurs et faiseurs d’utopies, là sur les femmes savantes, plus loin sur les bibliothèques publiques, ailleurs sur tous les imprimeurs savants qui ont honoré la presse, à un autre endroit sur toutes les académies d’Italie, que sais-je ? Pour qui aurait un traité à écrire sur l’un quelconque de ces sujets, le Mascurat fournirait tout aussitôt la matière d’une petite préface des plus érudites. C’est une mine à fouiller.