Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/327

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

est au talent ce que l’éperon est au cheval. Ils reflètent avec une fidélité cruelle leur époque embrasée. Ils ont surtout ce front d’airain qui leur sert successivement de belier et de rempart. Loin de redouter le scandale, ils sont les premiers à le provoquer, à le guetter, à l’attirer ; ils l’exploitent au grand jour, avec ce cynisme qui pourrait passer pour de la franchise. La moitié de leur réputation est assise sur le scandale. Mais ce qui les grandit dans le passé est justement ce qui les rabaisse dans l’avenir. Fondateurs d’une publicité éhontée et criarde, il ne reste plus d’eux que leur œuvre, mais débarrassée du prestige des circonstances, mais isolée, mais muette, sans prôneurs comme sans détracteurs, rendue à sa juste taille enfin. On s’aperçoit dès lors que l’homme tenait autant de place que le livre, et que ce qui nuit le plus au second, c’est le premier.

» De tels écrivains ne peuvent manquer d’être fatalement révolutionnaires ; quelques-uns le sont sans le savoir et sans le vouloir, mais ils le sont dans l’essence. Ils le sont par les luttes qu’ils se trouvent portés à soutenir contre les ministres, contre les grands, contre les rois ; ils le sont par le prestige des persécutions, par les excès d’autorité qu’appelle leur intempérance de langage. »

Tel fut Linguet. « Il brûle, mais il éclaire » disait Voltaire en parlant de cet avocat-journaliste,