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et personne n’en a mieux défini le talent. Pendant plus de vingt ans Linguet a tenu la France occupée de ses moindres actions ; ses écrits ont eu le privilége de bouleverser le gouvernement, même après Rousseau et les encyclopédistes, et ce grand bruit fait autour de son nom est si complétement tombé aujourd’hui, que M. Monselet, entreprenant de réhabiliter certaines figures littéraires, oubliées ou dédaignées, de la fin du xviiie siècle, a cru devoir placer Linguet en tête de sa curieuse galerie. C’est le préambule de l’étude qu’il lui a consacrée que nous venons de transcrire ; nous ne pouvions assurément mieux préparer nos lecteurs à ce que nous avons à dire de l’auteur des Annales politiques.

Linguet — c’est lui-même qui nous l’apprend dans une lettre à un de ses amis — n’avait point eu dans sa jeunesse d’autre affaire ni de passion plus vive que la littérature. Il avait espéré trouver la gloire et la considération dans la carrière littéraire ; il s’était promis de la douceur dans le commerce de ceux qui s’appliquent à cultiver leur esprit. Il donna les dix plus belles années de sa vie à la poursuite de ces chimères, et il vit qu’après bien des travaux, tout ce qu’il pouvait en attendre, c’étaient des sujets de chagrin et de repentir pour le reste de ses jours. Il s’éloigna donc du théâtre des lettres, où il avait eu l’imprudence de faire quelques pas, et où le rôle d’acteur produit toujours