Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/341

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Mais revenons à Linguet. Supprimé deux fois, comme avocat et comme journaliste, il ne craignit pas d’en appeler au roi ; il adressa à Louis XVI une lettre plus irritée que suppliante, dans laquelle, défendant son article, il redouble d’injures envers La Harpe, l’appelant petit homme orgueilleux, insolent et bas, et envers l’Académie elle-même, qu’il regarde comme une institution inutile et dangereuse, « au point, dit-il, qu’un style ridicule, ampoulé, hors de la nature, on l’appelle un style académique. » Discutant le délit qu’on lui impute, il fait ressortir la disproportion et l’injustice de la peine. L’homme qui a donné un soufflet est répréhensible sans contredit ; on lui inflige justement une peine légère, mais on ne lui défend pas à jamais de remuer le bras : il serait absurde de condamner quelqu’un, pour l’oubli d’un moment, à une inaction de toute la vie. Il a manqué à l’Académie et à son favori, soit ; il leur fallait des réparations, il veut le croire ; mais son journal entier n’était pas composé d’outrages académiques. Pourquoi donc tout retrancher, sous prétexte que deux pages auront déplu à un corps à qui l’on croit devoir des ménagements ? Faut-il mettre sa plume en écharpe, parce qu’en la secouant il aura fait une tache à l’habit de quelque voisin ? « Sous quel malheureux, sous quel inconcevable ascendant ai-je donc reçu la naissance ? Quoi ! Sire, dans les classes