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L’expérience aurait dû m’apprendre que, si l’opinion est la reine du monde moral, l’inconséquence en est le pivot, et que la plus dangereuse des folies, c’est de se diriger sérieusement d’après la raison, dans l’espérance que ceux à qui l’on aura affaire en feront de même.

Pour mon malheur, je suis atteint de cette démence. Aussi, à mon arrivée en Suisse, ai-je trouvé précisément le contraire de ce que je m’étais promis : beaucoup de considération personnelle, il est vrai, beaucoup de marques d’une estime flatteuse, une grande curiosité de me voir, de me connaître, mais une inquiétude inexprimable sur les moindres mouvements de ma plume. On la regardait comme un conducteur électrique, capable d’attirer la foudre et d’en déterminer la chute partout où l’on se hasarderait à le fixer. Il semblait qu’à l’ouverture de mon portefeuille toutes les vengeances ministérielles allaient fondre sur le lieu qui aurait recélé cette terrible boîte de Pandore, et abîmer la contrée assez imprudente pour donner asile à un nouveau Titan · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·

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Je crois bien que mes ennemis participaient beaucoup à l’effroi que ma présence semblait inspirer ailleurs. Ne craignant rien tant que la continuation de mes Annales, ils s’étaient réjouis de me voir abandonner, par un scrupule puéril dans leur système, le pays où ils avaient eu la douleur de les voir naître, sans pouvoir les étouffer. Ils s’étaient promis de leur interdire tout autre asile. L’immensité de leurs correspondances, leur hardiesse à semer les calomnies les plus criminelles, comme à appuyer les complots les plus noirs, leur en offraient les moyens. Leur grande ressource est de dire, à peu près comme Cotin, que, quand on les méprise, on est odieux à tous les gens de mérite. À force de répéter avec une constance, une impudence infatigable, que cela est, ils parviennent souvent, en effet, à faire que cela soit.

Ils avaient eu le temps, avant mon arrivée, de remplir les esprits de préjugés de toute espèce, avec l’art qui leur est familier.

Que les caillettes de Paris, celles qui s’associent aujourd’hui à une secte, comme autrefois à une confrérie ; qui vont aux séances