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reine et toute la famille royale ne lisent que le journal de Linguet, et le lisent avec un plaisir indicible. »

Et ailleurs (9 nov. 1779) : « L’embarras où se trouvent les correspondances littéraires, toutes les années, dans les mois d’octobre et de novembre, est extrême. Ce dont on parle le plus à présent, en fait de littérature, est le journal de Linguet, dont la plupart des articles sont remarquables, tant par la hardiesse que par l’abondance et la facilité du style. C’est un mélange de raison, de délire, de grossièreté et de talent. Toutes ces qualités trouvent ici des partisans ; on admire jusqu’à ses écarts et ses mauvaises plaisanteries. Il y a des gens qui s’extasient sur la manière dont il a reproché à M. d’Alembert sa bâtardise, et sur le spirituel surnom d’Anticarré qu’il lui donne deux fois par mois[1]. On dit que le secrétaire perpétuel se désole tous les soirs dans son logis du Louvre, et qu’il se tue à courir tous les matins pour dire qu’il ne lit jamais ces sottises-là, et que par conséquent il est clair qu’il y est tout à fait insensible. Il semblerait qu’il y a une convention entre lui, pour répéter sans cesse cette protestation, et entre ses auditeurs, pour n’en rien croire. Il devrait bien se souvenir que ces petites ruses ne réussissaient pas

  1. Le philosophe se nomme Le Rond d’Alembert, et vous vous rappelez la proscription prononcée contre la quadrature du cercle. Ainsi le surnom d’Anticarré forme un double calembour. Peut-on imaginer rien de plus joli ?