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il avait plus d’une fois fait le panégyrique, notamment dans sa Théorie des lois civiles ; il pouvait encore, pour se consoler, se rappeler un de ses fameux paradoxes : « La société vit de la destruction des libertés, comme les bêtes carnassières vivent du meurtre des animaux timides.[1] » Laissons-l’y ronger son frein.




Pendant la captivité de Linguet, les Annales furent continuées par Mallet du Pan, son collaborateur. Avant de parler de cette continuation, nous devons dire quelques mots de la liaison, ou mieux, de l’association de ces deux hommes, les premiers journalistes, dans l’acception actuelle de ce mot, que nous ayons encore rencontrés, et les seuls à peu près que l’on puisse citer avant la Révolution.

Mallet du Pan, cherchant une voie à ses goûts et à ses ardeurs d’étude et de polémique, s’éprit de loin pour Linguet, qui ne lui parut qu’un homme éloquent et hardi injustement persécuté, et, à peine âgé de vingt-cinq ans, il publia, sous le titre de Doutes sur l’éloquence et les systèmes politiques (Londres [Genève], 1775), une apologie de la Théorie des lois civiles. Cet acte courageux dut, selon toutes les

  1. On connaît cette boutade de Linguet, répétée par tous les recueils d’anas : « Qui êtes-vous ? demande-t-il à un homme qui entrait dans sa chambre. Monsieur, je suis le barbier de la Bastille. Parbleu ! vous auriez bien dû la raser. »