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talent pour le sarcasme. Il a rendu service à la liberté, sans le vouloir, en attaquant avec opiniâtreté la tyrannie de la robe et celle des académies, en heurtant ouvertement l’inquisition à laquelle nos visirs assujettissaient toutes nos productions littéraires. Mais on doit le blâmer d’avoir prostitué son talent au panégyrique du despotisme, à la défense des causes les plus iniques, des paradoxes les plus révoltants, à la satire des écrivains les plus respectables. Linguet voulait des autels, et voulait les composer des débris des statues de grands hommes qui valaient mieux que lui. Si l’utilité publique est le sceau du vrai talent, et le garant d’un réputation immortelle, on s’explique pourquoi le nom de Linguet est mort de son vivant même. La Révolution l’a surpris composant encore la satire du peuple et de la liberté. L’habitude datait de trop loin, elle était trop fortement enracinée, pour que l’arbre pût se plier dans un autre sens. Aussi Linguet ne parut-il que grimacer la liberté, lorsqu’en 1791 il voulut se faire cordelier sous les auspices de Danton et de Camille Desmoulins. Il regardait le club des Cordeliers comme une piscine où s’effaceraient toutes ses prédications en faveur du despotisme. Personne ne fut la dupe de cette hypocrisie tardive[1]. »

  1. Dans une lettre adressée à Camille Desmoulins, Linguet offrait au procureur général de la lanterne d’être son substitut ; dans une autre, il témoignait son