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les délations les plus frivoles, il accuse de ce prétendu crime tous les innocents qu’il fait arrêter ou qui échappent à ses poursuites. Ce magistrat serait-il donc le seul dans le monde qui se serait persuadé, contre toute sorte de vraisemblance, que cet auteur (s’il mérite ce nom) est un homme unique qui ne serait jamais remplacé ? Il le serait sans doute, et il ne pourrait l’être que très-avantageusement pour la satisfaction du public et le bien de la cause commune. Quand il ne s’agit que d’une simple exposition de faits, tout le monde est auteur, et lorsqu’il s’agit de faits dont la publication est utile à la vérité, toutes les bouches des serviteurs de Dieu sont ouvertes pour les raconter, et leurs plumes propres à les écrire.


Si l’on pourchassait l’auteur de la feuille séditieuse, on ne faisait pas une moins rude guerre à l’imprimeur. Je lis dans un recueil de Nouvelles à la main : « Le 2 avril 1728 (le journal ne faisait que de naître), on mit à la Bastille le sieur de Batz fils, imprimeur, avec un de ses garçons, un chapelier et un tailleur, qui, de concert, se mêlaient de faire recueillir et imprimer toutes les semaines les Nouvelles ecclésiastiques qui se distribuent à Paris. On informe actuellement leur procès, pour les punir selon la rigueur des lois. »

Les Nouvelles ecclésiastiques s’imprimaient partout, tantôt ici, tantôt là, aujourd’hui dans une ville, demain dans quelque village, dans une cave ou dans un grenier, et jusqu’au fond des bois. Un jour le lieutenant de police, poussé à bout par l’insolence de cette gazette, qui venait le narguer jusque dans son cabinet, mande auprès de lui les prin-