Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/503

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tion. L’expérience nous a convaincus que, de toutes les classes des écrivains, celle des nouvellistes à gages est la plus difficile à contenir. Quel homme sage osera se rendre garant de la conduite d’un bulletiniste qui calcule ses profits sur le nombre d’anecdotes secrètes qu’il peut recueillir ? et quel homme honnête se permettra d’accepter une pareille commission, après l’abus que d’autres en ont fait et la honte qu’ils y ont imprimée ? Je suppose cependant qu’un sujet d’une prudence reconnue obtienne la permission qu’on sollicite et qu’il en soit digne personnellement, il ne pourra pas empêcher, malgré sa sagesse, que le gazetier avec lequel il sera autorisé à correspondre n’emploie des moyens détournés pour se procurer des nouvelles particulières et souvent répréhensibles, et qu’il ne les débite dans sa gazette. Qu’arrivera-t-il en ce cas ? Que le public se plaindra d’une tolérance légèrement accordée ; que les particuliers demanderont justice de la méchanceté ou de l’indiscrétion du gazetier ; que l’administration sera réduite à la fâcheuse nécessité de sévir contre le correspondant connu et censé coupable, malgré les protestations de son innocence ; que le public et les particuliers, fondés sur un seul exemple de tolérance, imputeront au gouvernement toutes les impertinences des gazetiers étrangers et de leurs correspondants ténébreux. Ces observations, jointes à celles que contient votre lettre, Monsieur, me confirment dans l’opinion que nous ne devons point autoriser ni reconnaître de correspondants français avec les gazetiers ; que ce genre de commerce doit continuer d’être prohibé, et que ceux qui s’y livreraient malgré la prohibition doivent être sévèrement réprimés. Je compte toujours sur votre vigilance, Monsieur, pour éclairer leur conduite. Des avertissements secrets et des conseils de douceur peuvent en ramener quelques-uns d’un égarement passager. Des penchants pervers, l’habitude et l’esprit d’avidité, ont rendu le mal incurable chez d’autres. Les conseils sont impuissants pour ceux-ci, et les moyens de rigueur sont les seuls qui puissent les contenir.

De Vergennes.


Monsieur Suard, dit Manuel, n’était point de