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de Russie. Ces laisses d’octosyllabes, pressés, où s’entassent les allusions et les verroteries, sont monotones et confuses. C’est de la poésie à facettes, dont ne jaillit point l’émotion.

Par contre, Un soir à Hernani nous présente dans son vrai jour le talent poétique d’Edmond Rostand. C’est avec justice qu’il consacra ce poème à Hugo, lors de son centenaire, si Hugo fut bien son maître. Il déclare que l’auteur d’Hernani fut « plus Espagnol que toutes les Espagnes » ; et lui, Rostand, avec son pittoresque, son chevaleresque, et la jactance ou l’« honneur » de Cyrano ou de Chantecler ? Telle suite de vers est tout-à-fait du Hugo, mais du Hugo plus nerveux haché, et saccadé, et disloqué, avec des arrêts et des sursauts, et moins de sérénité : du Hugo revu par Banville. Ce Soir à Hernani suffirait presque à nous éclairer sur les ressources prodigieuses du poète, mais aussi sur ses « manques », pour ce qui est de la profondeur de la sensibilité et de la plénitude large et simple du vers. Tout cela caracole et cabriole, avec fougue et adresse, mais l’ensemble manquerait souvent de la belle simplicité pure et classique. Exempt d’emphase déclamatoire, Rostand nous y semble un romantique trop spirituel.

« Il faut à chacun donner son joujou »,


disait la Ballade de la nouvelle année. Le joujou de M. Rostand aura été le théâtre. Joujou qu’il transforma, dont il tira des effets divers et multiples.