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que jusqu’à rénover, jusqu’à rajeunir et faire refleurir toutes les grâces traditionnelles de l’esprit français et tout ce qu’en ont exprimé au cours des siècles maints auteurs dont notre littérature s’enguirlande ! Tant mieux s’il a seulement renoué la chaîne qui doit relier le présent au passé, chaîne dont parfois les anneaux tombent, mais que quelqu’un vient toujours rattacher ! Tant mieux s’il a seulement affranchi notre littérature de quelques influences discordantes et débilitantes des littératures étrangères ! Tant mieux s’il a simplement indiqué qu’il ne consentait pas à se laisser accabler quant à lui par cette oppression étrangère sous laquelle notre originalité pouvait succomber ! Tant mieux si sa grande œuvre rayonnante est simplement comme un miroir où se succèdent, rafraîchies et fondues en un groupe harmonieux, des images que nous connaissons, que nous avions oubliée à peine, que nous aimions toujours ! Cette œuvre est un paysage français, — port de Marseille plutôt que campagne de l’Île-de-France — paysage français néanmoins !

Rostand laisse paraître — et très naturellement — les qualités et les défauts héréditaires de l’esprit français. Il ne force point sa nature pour aimer la clarté jusqu’à l’éblouissement, pour étourdir nos préoccupations contemporaines par son inlassable belle humeur lyrique, pour exprimer sans fin des sentiments d’une simplicité extrême, avec des complications apparemment raffinées et une déconcertante volubilité, pour étaler partout son goût du rêve et son goût de l’action, son goût de l’héroïsme, son goût de la beauté et son goût de l’amour.

Oui, l’œuvre de Rostand est puisée à même les sources françaises, et l’âme française s’est insinuée en elle pour la vivifier étrangement ! Mais cette œuvre n’est devenue si expressive et si populaire que parce que l’âme même de Rostand y traduisait spontanément, lumineusement, librement, l’âme française. Œuvre expressive et populaire, parce que Rostand possède plus que personne le sens ou le génie du théâtre, parce qu’il a ce don du pittoresque et de la fantaisie auquel nul ne reste insensible, cette vie vibrante qui emporte tout dans son mouvement radieux, cette veine comique irré-