Page:Hauvette - Littérature italienne.djvu/131

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Enfin Cacciaguida exhorte Dante a révéler aux hommes tout ce qu’il a vu et entendu au cours de son pélerinage : il y va de sa gloire, et d’ailleurs nul remede n’est plus efficace que la vérité;qu’il la dise tres haut, sans se soucier des coleres qu’il soulévera :

Tutta tua vision fa manifesta,
E lascia pur grattar dov’ A la rogna L

Dante est tout entier dans ce bel épisode, avec sa noblesse innée et avec l`amertume qui s’est lentement amassée dans son coeur. Mais on le retrouve dans cent autres passages ou vibrent l’une aprés l’autre les cordes de son ame généreuse et passionnée; car s’il est un trait de caractére qui lui soit étranger, c’est bien l’impassibilité. Toute l’histoire de son siécle revit dans son poéme, mais vécue et sentie, plutot que racontée. Il n’est pas jusqu’aux événements relativement anciens qu’il ne rap- pelle avec des transports d’admiration, a moins qu`ils ne lui arrachent de terribles invectives : c’est qu’il y voit l’origine lointaine des événements actuels, ou bien il les compare a l’idéal de justice qu’il porte dans son esprit. Tel est l’intérét avec lequel il considére tout ce qui l’entoure, qu’il s’identific constamment avec les personnages méme les plus eH`acés, avec ceux qui parais- sent d’abord ne présenter aucune ressemblance avec lui. Parle-t-il, en une douzaine de vers, de la prétendue disgrace de Romieu de Villeneuve, chassé par le comte de Provence dont il était le bienfaiteur ? On sent qu’il ne peut rappeler tant d’ingratituda sans faire uu retour sui sa propre situation; et lorsqu’il dessine en quelques

I. a Fain connaitro ta vision tout cntiérc, at laisso so gratter ceux qui ont Ia gale. » (Parad., XVII, I28429.)