Page:Hauvette - Littérature italienne.djvu/134

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V

Le caractère dominant de la poésie dantesque, envisagée au seul point de vue artistique, est l’étonnant relief des figures, la netteté avec laquelle les moindres gestes, les moindres paroles des personnages se gravent dans la mémoire; c’est la précision du cadre ou se déroule cette longue suite d’entretiens, et aussi la variété que le poète a su introduire dans tous ces tableaux. A cet égard, on peut faire une remarque, paradoxale on apparence, mais rigoureusement exacte x alors qu’il brodait les allégories juvéniles de la Vita Nuova sur une trame légère mais solide, historique, vécue, Dante avait dessiné d'un contour si vague et si mou le milieu ou évoluaient ses personnages, et ses personnages eux-mêmes, sans en excepter Béatrice, étaient caractérisés en termes si abstraits, que l’on a pu soupçonner le poète de n’avoir rien mis de réel dans son oeuvre. Lorsqu’il entreprit au contraire de raconter un voyage imaginaire et franchement symbolique a travers un monde de pure fantaisie, il a composé une série de scènes empreintes d’un réalisme expressif et hardi. Un éminent critique a mis en évidence ce trait inattendu de la poésie dantesque dans la Divine Comédie, quand il a écrit que, dans cette description du monde des morts, on sent pour la première fois palpiter la vie du monde moderne.

Le secret de cet art merveilleux réside en partie dans la puissante personnalité du poète, en partie aussi dans la parfaite clarté d’une imagination admirablement disciplinée, aussi apte a tracer avec une précision toute géométrique le plan du domaine infini, à travers lequel