Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/114

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tement la lumière, l’obscurité restait aussi épaisse qu’auparavant.

« Ma cousine, dit Phœbé, ne venez-vous pas de m’adresser la parole ?

— Non, chère enfant, » répondit Hepzibah.

Moins de mots que naguère, mais revêtus de la même harmonie mystérieuse ; leur accent plein de douceur et d’une mélancolie presque sereine, semblait pris au fond du cœur d’Hepzibah, et comme imbibé de ses émotions les plus intimes. Ils avaient aussi un frémissement dont Phœbé ressentit le contre-coup, transmis par cette électricité qui est l’attribut de tout sentiment énergique. La jeune fille s’assit, et demeura muette un moment. Mais bientôt, la finesse de ses perceptions lui donna conscience d’un souffle irrégulier qui palpitait dans un obscur recoin de la chambre. La présence d’un tiers lui fut ainsi révélée comme par un médium invisible.

« Ma chère cousine, demanda-t-elle en surmontant une répugnance indéfinissable…, est-ce qu’il n’y a personne avec vous dans cette pièce ?

— Chère petite Phœbé, dit Hepzibah qui s’était tue un moment, vous vous êtes levée de bonne heure et vous avez travaillé toute la journée… Allez dormir, je vous en supplie : je suis sûre que vous avez besoin de repos… Laissez-moi me recueillir encore un peu dans ce salon… J’en ai l’habitude, chère enfant, et depuis plus d’années que vous n’en avez passé sur la terre. »

Tout en la congédiant ainsi, la vieille fille, se rapprochant d’elle pour l’embrasser, la pressa contre son coeur dont le battement irrégulier et puissant accusait un grand tumulte intérieur. Comment, en ce vieux cœur désolé, pouvait-il se trouver encore tant de ten-