Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/13

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— Allons, allons, Haut Shériff, s’écria le Lieutenant-Gouverneur aux oreilles duquel cette discussion était parvenue, et qui se sentait un assez grand personnage pour faire bon marché de l’étiquette ; je me chargerai maintenant de l’affaire… Il est temps que le bon colonel vienne recevoir ses amis ; sans cela nous serions enclins à le soupçonner d’avoir comparé avec trop de zèle, et une dégustation trop fréquente, les tonneaux de vin des Canaries qu’il veut mettre en perce pour la satisfaction de ses hôtes… Et puisqu’il est si fort en retard, c’est moi qui me charge de le rappeler à ses devoirs… »

En conséquence, faisant gémir les escaliers neufs sous les semelles épaisses de ses bottes à l’écuyère, il marcha vers la porte que le domestique avait désignée, et dont les panneaux vibrèrent sous un choc énergique. Se détournant ensuite pour sourire aux spectateurs, l’important personnage attendit une réponse, et comme il n’en venait aucune, il frappa de nouveau d’une main tout aussi peu discrète, mais sans plus de résultat que la première fois. Alors, doué d’un tempérament quelque peu irritable, le Lieutenant-Gouverneur se servit de la lourde poignée de son épée pour en battre la porte à coups redoublés : — « Il y a là de quoi réveiller un mort, » se disaient tout bas quelques-uns des spectateurs. Pourtant le colonel Pyncheon semblait peu curieux de renoncer à son sommeil. Quand le bruit cessa, il se fit par toute la maison un silence profond, effrayant, fatidique, bien que plusieurs des convives se fussent déjà déliés la langue, au moyen d’un ou deux verres de bon vin obtenus à la dérobée.

« Sur ma parole, voilà qui est bizarre ! s’écria le Lieu-