Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/143

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Phœbé, cela va sans le dire, n’était pas assez au courant de l’histoire de sa famille pour pouvoir établir le parallèle auquel nous venons de nous livrer. Une circonstance, pourtant, bien insignifiante en elle-même, était venue lui inspirer un singulier sentiment d’horreur. Elle avait ouï parler de l’anathème que le sorcier Maule, au moment de son exécution, avait lancé contre le colonel Pyncheon et sa postérité, anathème en vertu duquel Dieu devait « leur donner du sang à boire. » Elle savait aussi que, selon l’opinion vulgaire, on entendait de temps en temps bruire au fond de leur gorge ce « sang » de la malédiction miraculeuse. En personne sensée, et appartenant d’ailleurs à la famille Pyncheon, Phœbé n’attachait aucune importance à cette dernière rumeur, si évidemment absurde par elle-même. Mais on ne se défait pas si aisément des superstitions anciennes qui, à force de passer de bouche en bouche pendant maintes et maintes générations, — et fortement imprégnées des fumées de l’âtre, — prennent le caractère de réalités domestiques. Phœbé put constater leur influence quand elle entendit se produire, dans la gorge du juge Pyncheon, une sorte de grattement particulier, qui lui était habituel d’ailleurs, et qui, à peu près involontaire, n’indiquait absolument rien, si ce n’est peut-être une légère affection des bronches. Ce glou-glou spécial (que nous n’avons jamais entendu et que nous ne saurions décrire) fit tressaillir la petite sotte, qui joignit les mains, tout à coup effarouchée.

« Qu’avez-vous donc, jeune fille ? dit le juge Pyncheon lui lançant un de ses regards les moins doux. Quelque chose vous aurait-il effrayée ?