Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au départ. Vous avez contre moi de bien fausses préventions… Mais je vous pardonne, et m’étudierai à vous donner une meilleure idée de votre cousin… Du moment où notre pauvre Clifford est dans une si déplorable condition d’esprit, je ne puis songer à insister présentement pour qu’il m’accorde une entrevue. Mais je veillerai de loin sur son bien-être, comme sur celui d’un frère aimé, moyennant quoi je ne désespère pas, ma chère cousine, de vous contraindre, vous et lui, à rougir de votre injustice… Et lorsqu’il en sera ainsi, je n’ambitionne d’autre vengeance que de vous voir accepter tous les bons offices dont je puis disposer en votre faveur. »

Avec un salut pour Hepzibah, un signe de tête tout paternel à l’adresse de Phœbé, le Juge quitta le magasin et s’en alla, souriant, par les rues. Selon la coutume des riches, quand ils visent aux honneurs d’une république, il s’excusait en quelque sorte de sa richesse, de sa prospérité, de son influence, par la libre cordialité qu’il témoignait à tous ceux dont il était connu ; — d’autant plus disposé à faire bon marché de sa dignité, qu’il fallait l’abaisser à un niveau plus humble, et montrant, par cette condescendance même, le haut sentiment qu’il avait de ses prérogatives, d’une manière plus irréfragable et plus certaine que s’il se fût fait précéder de vingt laquais ayant mission de lui frayer passage.

Il n’eut pas plutôt disparu que le visage d’Hepzibah se couvrit d’une pâleur mortelle ; se dirigeant vers Phœbé d’un pas incertain, et posant la tête sur l’épaule de la jeune fille :

« Oh ! mon enfant, murmura-t-elle, cet homme a été