Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/156

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S’apercevant bien que Clifford était médiocrement égayé par tout ce qu’elle faisait pour le distraire, Hepzibah lui chercha dans toute la maison un passe-temps plus joyeux. Ses yeux, à un moment donné, tombèrent sur le clavecin d’Alice Pyncheon. Ce fut une menaçante inspiration, car, — nonobstant les souvenirs augustes qui protégeaient cet instrument de musique et les funèbres mélodies que les doigts d’un spectre y avaient exécutées, disait-on, — cette sœur trop dévouée prémédita un moment de le faire vibrer au bénéfice de Clifford, et de mêler au bruit des touches ce croassement sinistre dont nous venons de parler. Malheureux Clifford ! Malheureuse Hepzibah ! Malheureux clavecin ! Tous trois se seraient infligé une torture mutuelle ; mais une si périlleuse chance fut conjurée par quelque influence favorable ; — peut-être cette Alice, enterrée depuis longtemps, intervint-elle au moment critique, sans que personne pût s’en douter.

Le pire de tout, — et le plus pénible pour Hepzibah, peut-être aussi pour Clifford, — c’était la répugnance invincible que l’aspect de la vieille fille inspirait à son frère. Ses traits, qui n’avaient jamais été des plus agréables et que durcissaient maintenant et l’âge et le chagrin, plus la rancune qu’elle gardait au monde pour le compte de ce frère si longtemps persécuté ; — son costume, et en particulier son turban ; — les manières gauches et roides qu’elle avait peu à peu contractées dans la solitude ; — tout cela constituait un ensemble qui repoussait les regards de cet homme acquis par instinct au culte du Beau. Il n’avait pas à se défendre d’une impression pareille ; elle était en lui, et devait l’accompagner jusqu’à la tombe. Aux