Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/184

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s’en assurer le jour où un de ces petits Italiens dont l’invasion chez nous est encore assez récente, installa son orgue sous les fraîches ombres de l’Ormeau. L’œil au guet comme ils l’ont tous, il eut bientôt remarqué derrière la fenêtre en ogive, les deux figures qui ne le perdaient pas de vue, et, ouvrant avec empressement sa mélodieuse mécanique, il se mit à leur prodiguer ses plus beaux airs. Un singe était sur son épaule, habillé d’un plaid écossais, et pour compléter les splendeurs du spectacle par lequel il comptait allécher le public, il avait, logées dans cette grande caisse d’acajou, une troupe de figurines auxquelles prêtait une vie factice la musique même que le petit drôle tirait de son moulin à symphonies. Occupés à mille travaux variés, le savetier, le forgeron, le soldat, — la dame avec son éventail, — l’ivrogne avec sa bouteille, — la laitière assise auprès de sa vache, vivaient, on peut le dire, dans la meilleure harmonie possible, et semblaient ne connaitre aucun des soucis de l’existence. Leur maître n’avait qu’à tourner une manivelle, et crac ! chacune de ces alertes marionnettes, arrivant tour à tour sur le devant de la scène, manifestait une activité singulière. Le savetier raccommodait un soulier ; le forgeron battait son fer ; le soldat brandissait sa brillante épée ; — de son éventail microscopique, la dame agitait une parcelle aérienne ; — le joyeux ivrogne vidait à longs traits sa bouteille ; — le savant, poussé par une autre soif, ouvrait un livre et promenait son nez du haut en bas de la page ; — la laitière pressait la mamelle de sa vache avec une remarquable énergie ; — l’avare comptait les monnaies de son coffre-fort, — tous au même tour de mani-