Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/20

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de plus, à la longue, qu’une chimérique illusion dont se bercèrent tour à tour les Pyncheon de chaque génération successive, et qui leur faisait attacher une importance exagérée à leurs relations de famille. Cette illusion caractéristique donnait, au plus pauvre individu de leur race, le sentiment d’une sorte de descendance aristocratique et l’idée qu’il pourrait quelque jour en soutenir l’éclat à l’aide d’une opulence princière. Chez les meilleurs rejetons de l’antique famille, cette particularité mêlait une grâce idéale aux dures nécessités de la vie humaine, sans altérer en eux aucune des qualités vraiment essentielles. Son effet, chez les autres, était de favoriser leur penchant à l’inertie, de leur désapprendre à compter sur eux-mêmes, et de les réduire, victimes passives d’une espérance nuageuse, à la vaine attente du jour où leur songe deviendrait une réalité. Bien des années après que leur prétention fut tombée dans l’oubli public, les Pyncheon consultaient encore l’ancienne carte du colonel, tracée à l’époque où le comté Waldo n’avait pas cessé d’être un désert. Aux endroits où l’ancien agent du cadastre indiquait des bois, des lacs, des rivières, ils s’amusaient à marquer les grands espaces défrichés, à pointer les villages et les villes, et à calculer la valeur toujours croissante du territoire — comme s’ils avaient encore la perspective de se voir assigner un jour cette magnifique principauté.

Il n’était guère de génération, cependant, où ne se rencontrât quelque représentant de la famille, doué de ce bon sens pénétrant, de cette pratique énergie qui distinguaient à un degré si remarquable le fondateur de cette race. On retrouvait son caractère dans