Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/230

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cet orgueil qui se pouvait pardonner aisément, se mêlait, comme pour le tempérer, une tendresse, ou pour mieux dire, une faculté de tendresse capable de lui soumettre les cœurs les plus rebelles.

Au moment où Alice entra dans le cabinet, ses regards tombèrent d’abord sur le charpentier, debout au milieu de la pièce, vêtu d’une jaquette de tricot vert et d’un large haut de chausses flottant, ouvert aux genoux, des poches duquel émergeait le bout de sa longue règle ; à ce signe, on reconnaissait l’artisan, comme le gentilhomme à sa rapière en verrouil. Une approbation d’artiste vint animer aussitôt le visage d’Alice Pyncheon ; elle admirait, sans se croire obligée d’en rien dissimuler, la belle stature de Maule, la force, l’énergie qu’elle semblait attester. Mais ce regard d’admiration, (que d’autres hommes se fussent rappelé toute leur vie, comme le témoignage le plus flatteur pour leur orgueil), le charpentier ne devait jamais le lui pardonner. Il faut croire que le Démon lui-même était venu subtiliser, raffiner ainsi les perceptions de ce malheureux.

« Qu’a donc cette fille, à me regarder comme un cheval ou un chien ? pensait-il, serrant les dents… Je me charge bien de lui prouver que j’ai en moi une volonté d’homme, et tant pis pour elle, si cette volonté se trouve l’emporter sur la sienne !

— Mon père, vous m’avez envoyé chercher, dit Alice, de sa voix vibrante comme un son de harpe. Mais, si vous avez affaire avec ce jeune homme, laissez-moi m’en aller, je vous prie… Vous savez que je n’aime pas votre cabinet, malgré ce Claude Lorrain, destiné à me rendre le souvenir d’un temps plus heureux.