Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Pyncheon se remît à contempler le Claude. Ce n’était plus lui, c’était sa fille, qui, malgré lui, voulait mener l’épreuve à terme. Il ne résista plus, désormais, se bornant à consentir. Et n’était-ce pas pour elle, bien plus que pour lui-même, qu’il ambitionnait la réussite de l’expérience ? Alice Pyncheon, avec l’opulente dot qu’il pourrait lui donner alors, épouserait à son gré, soit un duc anglais, soit un prince régnant d’Allemagne, au lieu de quelque ecclésiastique ou jurisconsulte américain. Cette pensée le déterminait presque à permettre, dans le secret de sa conscience, que Maule évoquât le Démon, si l’intervention du Mauvais esprit était indispensable pour réaliser ce grand rêve. La pureté d’Alice lui servirait de sauvegarde.

Pendant qu’il se repaissait des chimériques magnificences de l’avenir, M. Pyncheon entendit sa fille articuler à moitié une exclamation soudaine !… C’était presque un soupir, un murmure si indistinct qu’on eût dit des paroles issues d’une volonté à peine formée, et qu’un dessein trop vague rendait inintelligibles. Elle l’appelait néanmoins à son secours, — sa conscience ne lui laissa là-dessus aucune espèce de doute, — et le faible cri qui arrivait à peine à son oreille, fut pour son cœur, où il réveilla de terribles échos, une clameur déchirante ; — mais cette fois le père ne se retourna point.

Après un autre intervalle, ce fut Maule qui parla.

« Regardez votre fille, » disait-il.

M. Pyncheon s’avança précipitamment. Le charpentier était debout devant le fauteuil d’Alice, et montrait du doigt la jeune fille avec une expression de triomphe dont la portée ne pouvait guère être définie,