Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en donnant raison au Juge et au monde, contre la pauvre Hepzibah et ses préjugés individuels. Sous l’échafaudage pompeux des bonnes œuvres que le Juge étalait avec ostentation, peut-être cachait-il quelque mal secret, quelque objet hideux, si bien masqué, si profondément enfoui, que lui-même avait cessé d’y songer. Nous dirons plus : il aurait pu commettre chaque jour un nouveau crime, sans cesse ravivé, — comme ces sanglantes empreintes miraculeusement destinées à révéler un meurtre secret, — sans en éprouver nécessairement un remords de chaque heure et de chaque minute.

Les erreurs de ce genre sont familières aux intelligences exceptionnellement faites, aux caractères exceptionnellement énergiques, chez lesquels la sensibilité ne prédomine pas, ou chez lesquels elle revêt une épaisse écorce. Ce sont ordinairement des hommes pour lesquels les formes ont une importance souveraine. Leur activité s’épuise sur les phénomènes extérieurs de la vie. Ils déploient un talent remarquable à saisir, à combiner, à s’approprier ces illusions solides, ces prestiges palpables, ces irréalités trébuchantes et sonnantes — telles que l’or, les terres, les grandes charges, bien rétribuées, les honneurs publics. C’est avec ces matériaux — et avec des œuvres édifiantes accomplies par-devant le plus grand nombre de témoins possible, — qu’un individu de cet ordre élève son monument, sa renommée si l’on veut, c’est-à-dire l’homme lui-même, tel que les autres le jugent et tel qu’il se croit à la longue. Nous voici donc en face d’un palais magnifique ; les appartements sont vastes et dallés de marbres coûteux. Le soleil pénètre par d’immenses croisées aux panneaux de cristal, les hautes corniches