Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/266

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deux variétés fort estimées de la fameuse poire Pyncheon ; — la sévérité romaine avec laquelle il avait expulsé de chez lui un fils prodigue et dissipé, lequel n’obtint son pardon qu’au moment de rendre l’âme ; — ses efforts pour la propagation des doctrines de tempérance, et le soin avec lequel, depuis sa dernière attaque de goutte, il bornait à cinq verres de xérès sa ration quotidienne en fait de liquides ; — l’admirable blancheur de son linge, le splendide vernis de ses bottes, l’élégance de sa canne à chef d’or, l’ampleur carrée de sa coupe d’habit, et en général le soin, la convenance de son ajustement ; — le scrupule qu’il mettait à reconnaître un chacun dans la rue et à rendre le salut de toutes ses connaissances, riches ou pauvres ; — le large sourire de bienveillance qu’il distribuait de tous côtés comme pour en égayer l’Univers ; — quelle place laissait, à des coups de pinceau moins favorables, un portrait formé de linéaments pareils ? Or, c’était là ce qu’il voyait chaque jour devant son miroir. Cette vie admirablement ordonnée était la seule dont il eût la conscience habituelle et quotidienne. N’avait-il donc pas le droit de se dire à lui-même, et de dire à la communauté : « Voilà, tel qu’il est, le juge Pyncheon ! »

Et en supposant qu’à une époque très-reculée, pendant le débordement de sa première jeunesse, il eût commis quelque acte répréhensible, — ou que, même à présent, la force des circonstances lui imposât, parmi tant de bonnes œuvres ou de passe-temps inoffensifs, un méfait plus ou moins caractérisé, — irez-vous définir le Juge au moyen de cet acte à peu près oublié, au moyen de ce méfait nécessaire ?… Dans la balance du bien et du mal, plaçant d’un côté cette masse de