Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/302

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sant, que je reconnais désagréable, — les chemins de fer sont à coup sûr le plus grand bienfait dont nous soyons redevables aux siècles passés. Ils nous donnent des ailes, ils ôtent au pèlerinage ce qu’il avait de fatiguant, et les souillures dont il couvrait le corps. Ils font du voyage un acte intellectuel plutôt que physique… Par là même, et par les facilités qu’ils prêtent au transit, ne tendent-ils pas à détruire chez l’homme l’habitude de rester fixé à la même place ?… Pourquoi, désormais, se construirait-il une habitation incommode à transporter d’un lieu à l’autre ? Pourquoi s’enfermerait-il, prisonnier à vie, dans une coque de pierre et de vieilles charpentes vermoulues, lorsqu’il peut tout aussi facilement ne résider nulle part, c’est-à-dire, — en d’autres termes qui rendent mieux ma pensée, — résider partout où l’arrêtent momentanément l’instinct du Beau et celui du Convenable ? »

Tandis qu’il exposait ainsi sa théorie, la physionomie de Clifford devenait radieuse ; — il rajeunissait à vue d’œil, comme si un masque transparent était venu effacer ses rides et animer ses joues blêmies par le cours des ans. Les joyeuses jeunes filles laissèrent tomber leur ballon sur le plancher de la voiture, et se mirent à contempler cet orateur éloquent. Selon elles, sans doute, avant que ses cheveux eussent grisonné, — avant que l’odieuse patte d’oie fût venue s’inscrire sur ses tempes, — cet homme, aujourd’hui en décadence, avait dû voir ses traits se graver dans le souvenir affectueux de mainte et mainte femme. — Mais, hélas ! pas un regard de femme ne s’était posé sur ce visage pendant qu’il gardait encore toute sa beauté !